Dialogues d’Histoire Ancienne, vol. 32/2, 2006

Por Antonio Gonzales.

La publication par Urgoiti Editores de Historia de Numancia due à Adolf Schulten est un événement historiographique qu’il faut souligner. Cette publication s’inscrit dans un projet éditorial dont le but est de rendre à nouveau accessible une quarantaine d’oeuvres historiques majeures consacrées à l’histoire espagnole. Commencer donc par l’oeuvre de Schulten n’est pas anodin. On sait combien son Histoire de Numance conditionna la vision et l’écriture de l’histoire antique de l’Espagne en Espagne méme mais également en Europe et singuliérement en Allemagne dans la première moitié du vingtième siècle.

  Le projet éditorial confié à Fernando Wulff de l’Université de Malaga répond au souci des promoteurs de la collection Historiadores des éditions Urgoiti de mettre en perspective la construction et la production de l’histoire en Espagne du milieu de XIXe siècle jusque vers 1975.

  Fernando Wulff est sans doute un des meilleurs spécialistes de l’historiographie espagnole. Lui avoir confié l’introduction critique à l’ouvrage de Schulten paru pour la première fois en allemand en 1905 et traduit en espagnol en 1940 est le signe d’un choix scientifique et éditorial judicieux.

  Dans une introduction de 256 pages, un livre en soi, Fernando Wulff retrace non seulement la genèse et le destin de l’ouvrage en tant que tel, mais il met surtout en évidence les liens particuliers d’une histoire espagnole qui cherche ses marqueurs historiques et politiques. Soumise aux tensions entre forces conservatrices, libérales ou sociales la communauté historique espagnole voit une partie de son histoire écrite par des historiens étrangers qui trouvent dans le passé antique de l’Espagne un champ d’investigation relativement facile d’accès et en partie délaissé par la communauté scientifique ibérique. Cet espace de conquéte scientifique permet également de valoriser des modèles qui n’ont pas toujours grand-chose à voir avec le métier d’historien. Schulten trouvera dans l’écriture de sa Numance un moyen de mettre en valeur sa conception conservatrice de l’organisation sociale. Ce n’est donc pas un hasard si le franquisme aura un regard bienveillant pour l’oeuvre de cet historien par ailleurs philologue et épigraphiste aux compétences indéniables.

  Il faut rendre grâce au travail de Fernando Wulff d’avoir permis une lecture renouvelée des rapports ambigus d’Adolf Schulten avec l’écriture de l’histoire. La réinscription de la personnalité de l’historien allemand dans ses relations avec la société de son temps, de l’histoire tragique de l’Europe et singulièrement de l’Allemagne et de l’Espagne, ainsi que de l’utilisation de son travail sur Numance par le franquisme pour modeler une école historique espagnole formée avec les outils de l’érudition allemande dans un but nationaliste, montrent combien la construction de l’objet historique est soumise aux aléas de l’époque. Le retour à la démocratie aprés 1975 marque une rupture aves les modèles forgés par l’historiographie franquiste. Les travaux des historiens espagnols sont aujourd’hui des plus dynamiques, notamment dans l’analyse historiographique. Il y a là une source de renouvellement de l’approche de la production de l’histoire qu’il nous faut méditer.

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