Anabases: traditions et réception de l’antiquité, núm. 8, 2008

Por Sarah Rey.

    Ce livre est organisé en deux temps: c’est une réedition d’articles des années 1930 et 1940 dont Santiago Montero Díaz (SMD) (1911-1985) est l’auteur, précédée par une longue introduction (pp. IX-XC) en forme de biographie intellectuelle signée Antonio Duplá, qui s’est chargé de tracer l’itinéraire historiographique de SMD avant d’annoter sommairement les études ici rassemblées: «El individualismo político en el pensamiento griego»; «Filipo V y el sueño del Imperio»; «Estoicismo e historiografía»; «Historia y política en la Praetexta Octavia»; «Moderato de Gades en la crisis del pensamiento antiguo»; «Semblanza de Trajano». Cet ouvrage est complété par un glossaire des différents personnages historiques antiques cités et par deux indices.

    S. Montero Díaz est une figure importante de la science espagnole de l’Antiquité. Son parcours fait comprendre la place originale et l’isolement des antiquisants espagnols du XXe siècle. Galicien de naissance, SMD a traversé l’histoire de l’Espagne contemporaine depuis le règne d’Alphonse XIII, la dictature de Primo de Rivera (1923-1930), la République, le franquisme jusqu’au retour de la monarchie. Attiré comme tant d’autres par l’Altertumswissenschaft allemande, il a accompli une partie de sa formation à Berlin. Il a été le doyen de l’Université de Murcie dès 1939, puis a vécu et travaillé à Madrid. Il a fondé la revue Gerión. Son attitude politique a souvent manqué de clarté: «jonsista» d’abord (les JONS sont les «Juntas de Ofensiva Nacional-Sindicalista»), puis adhérent au régime du Caudillo, il s’en éloigne progressivement, il choisit de participer à la célébration des vingt ans de la mort du poète Antonio Machado en 1959, et doit quitter de force l’Université en 1965. Par son intérêt pour l’histoire des idées et son souci d’élargir les perspectives de l’histoire ancienne à travers quelques vues comparatistes empruntées à Spengler, SMD a pu se démarquer de ses confrères et sortir du «gris de l’Université franquiste» (p. XII).

    En effet, SMD a voulu donner une forme originale et une dimension théorique à ses recherches, comme le montrent les six articles qui sont placés dans la deuxième partie du livre: réunies en de courts paragraphes, les phrases très brèves de SMD se voudraient peut-être fulgurantes, mais n’arrivent pas à se substituer à un raisonnement articulé et complexe, exprimant une vision singulière du cours de l’Histoire. Contentons-nous de citer un extrait du travail consacré à Trajan, qui montre le style de l’historien espagnol, toujours frôlant l’aphorisme: «Trajano es […] un traductor de su propia grandeza a fórmulas escuetas, exactas, infalibles. No puede morir, como Alejandro, antes de concluir su obra; ni como César, cuando en realidad disponía a comenzarla. La concluye, la remata […] Había previsto. Todo su obra es pura previsión» (p. 120).

    Qu’il regrette intensément la déchristianisation de la pensée historique, qu’il attribue à l’histoire juive un rôle marginal dans l’histoire mondiale ou qu’il maintienne l’idée que les Arabes sont un «peuple illégitime» en accord avec Spengler, les interprétations générales de l’antiquisant espagnol, souvent appuyées sur une philosophie de l’Histoire qui n’a pas eu de postérité (les Lebensformen de Spranger), ne donnent guère envie de s’attacher au personnage. En outre, un certain nationalisme dicte ses écrits: le cordouan Sénèque est le parfait philosophe; l’«andalou» (p. 112) Trajan est le meilleur des empereurs, au-dessus de Ramsès II et de Wu-Ti; et Moderatus de Gadès fournit «l’anticipation géniale […] de la doctrine de Plotin». L’oeuvre de SMD peut même parfois prendre les accents d’une ode aux Espagnols de tous les temps, quand les comportements de Marciane et Plotine, respectivement soeur et épouse de Trajan, lui rappellent les «austeras y graves familias […] del Siglo de Oro» (p. 122). Le lyrisme relègue la philologie au second plan: l’interrogation sur l’auteur de la Praetexta Octavia (pp. 81-98) constitue une exception. Malgré tout, A. Duplá se fait le discret zélateur du savant. Il faut certes reconnaître à SMD la capacité, en cours de carrière, de modifier son regard, par exemple sur Auguste, et noter qu’il n’exalte pas outre mesure l’épisode numantin, pour défendre dans un même élan les vaincus de Cynocéphales, de Corinthe, de Numance.

    Arrivé au bout de ce livre, le lecteur pourra regretter que quelques noms de savants français soient écorchés (Maspero devient «Masperó», Reinach est écrit «Rheinach», les deux n. 144 p. LVIII) et il comprendra qu’il a plus appris sur l’histoire intellectuelle du XXe siècle espagnol que sur l’Antiquité, grecque et romaine, hispanique et méditerranéenne.

Obras relacionadas